Un style né de la poésie et de la révolte
Le jardin anglais est plus qu’un simple espace vert : c’est une ode à la nature maîtrisée, une peinture vivante qui invite à la rêverie. Son apparition remonte au XVIIIᵉ siècle, en réaction aux jardins « à la française » strictement géométriques qui dominaient alors l’Europe aristocratique.
C’est en Angleterre, sous le règne de George III, que naît ce style paysager. Inspirés par le romantisme et la philosophie du retour à la nature, des paysagistes comme William Kent, Lancelot « Capability » Brown ou encore Humphry Repton imaginent des parcs où la nature paraît reprendre ses droits. Mais derrière cette apparente liberté, tout est savamment orchestré pour susciter l’émotion : perspectives sinueuses, jeux d’ombres et de lumières, scènes pittoresques.
En France, le jardin anglais conquiert l’aristocratie dès la fin du XVIIIᵉ siècle : on le retrouve dans de célèbres parcs comme celui d’Ermenonville ou le Hameau de la Reine à Versailles. Depuis, ce style a traversé les siècles sans perdre de son charme intemporel.
Principes fondamentaux : la nature comme tableau vivant

À première vue, le jardin anglais donne une impression de désordre poétique. En réalité, chaque chemin, chaque bosquet, chaque clairière est pensé pour raconter une histoire.
Les grands principes :
- Asymétrie et sinuosité : Contrairement aux jardins à la française, le tracé fuit les lignes droites. Les allées serpentent, contournent des massifs, créent des surprises visuelles.
- Perspectives et points de fuite : On aménage des « vues » qui s’ouvrent comme des tableaux, encadrés par des arbres ou des fabriques (petites constructions décoratives).
- Scènes romantiques : On intègre souvent des éléments pittoresques : ponts de bois, grottes, ruines factices, rotondes, belvédères…
- L’eau comme élément clé : Étangs, ruisseaux ou cascades ponctuent le paysage. L’eau reflète le ciel, amplifie l’impression de nature vivante.
- Intégration au paysage environnant : Le jardin se fond dans la campagne. Les limites sont floues, les haies basses remplacent les murs.

Ce style ne cherche pas à dominer la nature, mais à collaborer avec elle. C’est tout l’art du « jardin paysage » : faire croire que l’homme n’est pas intervenu.
Caractéristiques détaillées : un ordonnancement maîtrisé
Formes et volumes
- Les pelouses jouent un rôle central : vastes étendues ondulantes, parsemées de bosquets.
- Les massifs sont composés pour offrir des floraisons échelonnées, un feuillage diversifié et des silhouettes variées.
- Les arbres isolés ponctuent la vue : chênes majestueux, hêtres ou tilleuls créent des points d’ancrage visuels.
- Des bordures mixtes (mixed borders) foisonnantes longent parfois les allées ou les façades.
Matériaux et structures
- Les chemins sont souvent en gravier, stabilisés par des bordures discrètes.
- Les murets en pierre sèche, clôtures en bois, arches et pergolas fleuries structurent le décor sans rigidité.
- Les « folies » (petites constructions décoratives) comme les pavillons, gloriettes ou fausses ruines servent de points d’intérêt et de haltes contemplatives.
Entretien
Un jardin anglais demande un entretien subtil : taille douce pour conserver des silhouettes naturelles, gestion différenciée des prairies fleuries, soin particulier des arbres anciens. Il s’agit de maintenir un équilibre entre foisonnement et harmonie.
Plantes emblématiques du jardin anglais
La palette végétale est généreuse et diversifiée, mêlant arbustes, vivaces, bulbes et arbres majestueux.
Voici quelques incontournables :
🌳 Arbres et arbustes
- Chêne pédonculé (Quercus robur) : emblématique du paysage anglais.
- Hêtre commun (Fagus sylvatica).
- Tilleul (Tilia cordata).
- Aubépine (Crataegus monogyna) pour les haies naturelles.
- Cornouiller (Cornus sanguinea) pour ses rameaux colorés.
- Buis (Buxus sempervirens) taillé en topiaires légers.
🌿 Vivaces et couvre-sols
- Géranium vivace (Geranium pratense), pour tapisser les bordures
- Digitales (Digitalis purpurea), majestueuses et romantiques
- Ancolies (Aquilegia vulgaris), au charme champêtre
- Primevères (Primula vulgaris), pour le printemps
- Lupins (Lupinus polyphyllus)
- Roses anciennes (Rosa gallica, Rosa damascena)
🌷 Bulbes et fleurs saisonnières
- Narcisses (Narcissus)
- Tulipes (Tulipa)
- Jacinthes (Hyacinthus orientalis)
- Crocus pour les débuts de saison
🌾 Pelouses fleuries et prairies
Dans les zones plus sauvages, on laisse place aux graminées, pâquerettes (Bellis perennis), marguerites (Leucanthemum vulgare), coquelicots (Papaver rhoeas).
Idées d’associations et mises en scène
Le secret d’un jardin anglais réussi réside dans les combinaisons végétales :
- Associer des rosiers anciens à des vivaces aériennes comme les népétas ou les géraniums.
- Jouer sur les hauteurs : plantes basses au premier plan, vivaces plus hautes et arbustes en toile de fond.
- Intégrer des plantes grimpantes (clématites, chèvrefeuilles) pour habiller pergolas ou gloriettes.
- Mélanger feuillages persistants et caducs pour maintenir une structure hivernale.

Un point clé : échelonner les floraisons pour offrir de l’intérêt du printemps à l’automne. Les mixed borders, bordures foisonnantes, sont l’un des marqueurs les plus emblématiques : un enchevêtrement maîtrisé de textures et de couleurs.
Inspirations concrètes et lieux à visiter
Quelques jardins anglais emblématiques :
- Stourhead (Wiltshire) : un chef-d’œuvre du jardin paysage du XVIIIᵉ siècle.
- Sissinghurst Castle Garden (Kent), créé par Vita Sackville-West, célèbre pour ses mixed borders romantiques.
- Stowe (Buckinghamshire) : l’un des plus vastes parcs paysagers conçus par Capability Brown.
- En France : le parc Monceau à Paris, le jardin anglais d’Ermenonville, ou le Hameau de la Reine à Versailles.
Côté références modernes :
- Les paysagistes contemporains comme Piet Oudolf se réapproprient l’esprit « naturel » du jardin anglais, avec une approche encore plus écologique.
- De nombreux jardiniers amateurs s’en inspirent pour créer des jardins « de cottage », versions plus fleuries et intimistes.
Adopter le style chez soi : pour qui ?
Le jardin anglais est idéal pour ceux qui aiment :
- Les ambiances poétiques, un brin nostalgiques.
- Les jardins vivants, riches en biodiversité.
- L’idée de promenade et de surprise au détour d’un chemin.
Il se prête aussi bien aux grands parcs qu’à de plus petits espaces, à condition de respecter ses codes : éviter les lignes droites, privilégier les plantations denses et variées, jouer sur la succession des scènes.

Conseil pratique : commence par structurer ton espace avec quelques arbres ou arbustes forts, puis laisse libre cours à ta créativité avec des vivaces et des bulbes !
Conclusion : une invitation à la rêverie
Le jardin anglais est un hymne à la nature, à la fois indomptée et magnifiée par l’homme. Il invite à la flânerie, à la contemplation et à la poésie. Plus qu’un style, c’est un art de vivre qui nous relie au romantisme d’autrefois et à notre besoin d’évasion.
Créer un jardin anglais, c’est peindre un tableau vivant, saison après saison — et offrir à chacun qui le parcourt une bulle hors du temps.
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